Mercredi dernier, une annonce de Nestlé Waters secouait le monde de l’eau embouteillée : deux millions de bouteilles de Perrier allaient être perdues, un acte de précaution en réponse à la contamination fécale de l’eau captée à Vergèze, près de Nîmes. Ce geste soulève une question cruciale sur la durabilité des eaux minérales naturelles dans un contexte de crises sanitaires et de changement climatique croissant.
Fin janvier, le géant de l’eau embouteillée admettait déjà avoir pratiqué des méthodes de purification non autorisées sur des eaux vendues comme « naturelles ». Ces événements marquent une série de révélations concernant les pratiques douteuses dans le secteur, notamment suite à un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dévoilant des purifications illégales potentiellement généralisées chez les minéraliers. La récurrence des contaminations d’eaux profondes monte en flèche, soulevant des interrogations sur l’avenir des eaux minérales naturelles.
Les impacts du changement climatique sur les ressources en eau minérale naturelle sont nombreux et alarmants. « Les aléas climatiques extrêmes deviennent plus fréquents et intenses », indique Juliette Lassman, analyste de l’OCDE. En particulier, les inondations telle que la tempête Monica ayant frappé la France mi-mars peuvent entraîner des eaux usées dans les nappes phréatiques. Fabienne Trolard, chercheuse à l’Inrae, rappelle que l’eau, étant propice au développement de risques sanitaires, peut devenir un vecteur important de maladies.
Outre les calamités naturelles, le phénomène d’urbanisation limite la capacité absorbante des sols, aggravant les risques d’inondation et de pollution de l’eau. L’eau, qui autrefois s’infiltrait naturellement dans le sol, doit désormais naviguer à travers un labyrinthe de béton et de bitume. Dans ce contexte, les infrastructures actuelles de gestion de l’eau montrent vite leurs limites, débordées par le volume d’eau lors d’événements extrêmes.
Nestlé se trouve face à un défi de taille : comment préserver la pureté de son eau, et donc son étiquette d’eau minérale naturelle, sans recourir à des traitements qui remettraient en question cette même pureté ? La directrice de recherche de l’Inrae accuse l’entreprise de privilégier le profit plutôt que la préservation des ressources aquifères. Des allégations d’assèchement de la nappe de Vittel par Nestlé viennent appuyer cette inquiétude sur la gestion durable des eaux souterraines.
La situation présente un dilemme : alors que la demande globale d’eau embouteillée a explosé de 73% entre 2010 et 2020, la capacité de renouvellement des eaux souterraines est mise à mal. Sans la possibilité d’un repos aquifère adéquat, les consommateurs pourraient devoir s’orienter vers des eaux traitées, changeant ainsi les habitudes séculaires de consommation. Ce paradoxe entre l’apparente pureté des eaux minérales et la réalité de leur contamination pourrait conduire à un retour vers des sources plus sûres, quoique traitées. Reste à voir si les crises grandissantes liées à l’eau minérale naturelle éveilleront une prise de conscience collective sur la nécessité de protéger cette ressource vitale.