Les rayons des supermarchés sont remplis de couleurs vives et de mascottes animalières. Les céréales pour enfants, présentes dans presque tous les foyers, affichent désormais un Nutri-Score sur leurs emballages. Cependant, une polémique entoure ce label nutritionnel au cœur de stratégies marketing puissantes.
Un Nutri-Score flatteur mais trompeur
En arpentant le rayon céréales, vous pourriez être surpris par les excellents Nutri-Scores arborés sur de nombreux paquets. Bon nombre d’entre eux affichent fièrement un B, et certains ont même obtenu le sacro-saint A. Néanmoins, ces classements soulèvent des questions, notamment lorsque des céréales contenant plus de 20% de sucre obtiennent de telles notes.
Au départ, le Nutri-Score a été conçu pour guider les consommateurs vers des choix alimentaires plus sains. Serge Hercberg, codéveloppeur du label, se remémore : « À sa création en 2015, la plupart des céréales étaient classées D ou E, principalement en raison de leur forte teneur en sucre, souvent au-delà de 40 grammes pour 100 grammes. »
Mais face à l’enjeu marketing que représente le Nutri-Score, les marques ont rapidement ajusté leurs produits. Une étude de l’UFC Que Choisir révèle qu’entre 2015 et 2023, la proportion de céréales pour le petit-déjeuner notées A ou B est passée de 8% à 38%.
Un outil marketing redoutable
L’impact du Nutri-Score sur les décisions d’achat est indéniable. Selon une étude de ScanUp et Circana, un produit sans indication perd de l’attrait par rapport à ceux étiquetés A ou B, dont les ventes augmentent respectivement de 6,3% et 4,5%. En revanche, un produit classé E voit ses ventes chuter de 6,9% en moyenne.
Avec la pandémie de Covid-19, l’intérêt croissant pour une alimentation saine a renforcé l’importance du Nutri-Score dans l’esprit des consommateurs. Les critères de choix se sont raffinés, et la qualité nutritionnelle figure désormais parmi les principales décisions d’achat, juste après le prix et le goût.
Entre réalité et perception
Pour les consommateurs, le Nutri-Score permet aussi une déculpabilisation lors de l’achat. Clémentine Hugol-Gential, spécialiste en alimentation, explique que l’étiquetage offre aux parents une sécurité psychologique : fournir une alimentation jugée saine à leurs enfants.
Cependant, cela masque parfois des réalités moins idylliques. Les fabricants ont certes diminué la teneur en sucre, mais ces changements suffisent-ils ? Un exemple frappant est celui des Chocapic, dont la recette a été modifiée pour réduire le taux de sucre à 22 grammes pour 100 grammes, tout en maintenant un Nutri-Score élevé. Pourtant, des experts pointent que ce seuil reste préoccupant.
Révision et controverses autour du Nutri-Score
Fin 2023, les critères d’évaluation du Nutri-Score ont été révisés pour mieux prendre en compte les taux élevés de sucre. Ce changement a entraîné une rétrogradation significative : les Chocapic, par exemple, sont passées d’un A à un C, tandis que d’autres marques ont vu leur score chuter de deux niveaux entiers.
Pour autant, aucune obligation légale n’a contraint les fabricants à adapter l’étiquetage de leurs produits en fonction des nouvelles normes. Cela signifie que nombre de céréales arborent encore d’excellents Nutri-Scores, bien qu’ils soient obsolètes.
Certains producteurs, frustrés par la rétrogradation, ont même opté pour un changement radical de stratégie marketing, remplaçant le Nutri-Score par d’autres labels, comme le Planet-Score, qui mettent en avant des critères écologiques.
La responsabilité du consommateur
Alors que le débat continue de faire rage, la question demeure : comment s’assurer qu’un produit est réellement sain ? Face à la complexité des informations nutritionnelles, le consommateur doit redoubler de vigilance et croiser les sources d’information pour faire un choix éclairé.
La guerre des Nutri-Scores met en lumière l’urgence d’une plus grande transparence et d’une réglementation appropriée pour garantir aux consommateurs des informations fiables sur ce qu’ils mangent. En attendant, le défi reste de taille pour ceux qui veulent s’assurer de faire le meilleur choix pour leur santé et celle de leurs enfants.