Imaginez vous réveiller un matin pour découvrir que le monde qui vous entoure a radicalement changé, où les visages familiers se sont métamorphosés en visages déformés, ressemblant à des démons ou des créatures fantastiques. C’est la réalité troublante que vit Victor Sharrah, un chef cuisinier de 58 ans du Tennessee, qui souffre d’un état rarissime connu sous le nom de prosopométamorphopsie (PMO). Un matin de 2020, Sharrah a été confronté à cette vision effrayante, voyant son colocataire avec des traits grotesquement déformés. Malgré son anxiété et sa peur d’un possible internement en psychiatrie, il a compris par la suite qu’il n’avait pas perdu la raison mais qu’il était affecté par ce trouble visuel énigmatique.
Qu’est-ce que la Prosopométamorphopsie?
Ce phénomène perturbe la perception des visages sans pour autant empêcher leur reconnaissance. Selon Antonio Mello, chercheur spécialiste de la PMO, les symptômes sont variés : certains patients voient des visages aux traits elfiques, d’autres les voient avec des couleurs anormales comme le violet ou le vert, ou bien avec des traits qui semblent être en perpétuel mouvement. Ce qui distingue Sharrah est sa capacité à voir normalement les visages en deux dimensions, comme sur un écran ou une photo, une particularité qui a aidé les chercheurs à davantage comprendre ce trouble.
Une Aide Visuelle pour Comprendre la PMO
L’équipe du professeur Mello, de Dartmouth College aux États-Unis, a pu créer des images illustrant de manière quasi-réalistique ce que voit une personne atteinte de PMO. En travaillant avec Sharrah, ils ont comparé des photos du visage de Mello et d’une autre personne avec les distorsions perçues. Tandis que pour la plupart des patients atteints de PMO, regarder une image de visage entraîne des distorsions, Sharrah a cette exceptionnelle faculté de distinguer les visages 2D des déformations vécues dans la réalité tridimensionnelle. Ces images, récemment publiées dans la revue médicale The Lancet, offrent une perspective rare sur cette condition stupefiante.
Les Mystères de la Prosopométamorphopsie
Jason Barton, neurologue à l’université de Colombie Britannique, souligne que la PMO est un symptôme qui peut avoir diverses origines. La majorité des cas étudiés par ce chercheur relève d’événements particuliers survenant dans le cerveau. Pour Sharrah, bien qu’il ait subi une lésion cérébrale en 2007 lors d’un accident de travail, celle-ci ne semble pas liée à son trouble visuel. En effet, les examens IRM ont révélé que la lésion se situait dans l’hippocampe, une région cérébrale traditionnellement non associée au réseau de traitement visuel des visages.
Défis Quotidiens et Perception Altérée
La vie avec la PMO est loin d’être simple et les images ne traduisent qu’imparfaitement les difficultés rencontrées par ceux qui en souffrent. Pour Sharrah, et d’autres patients, le quotidien avec de telles hallucinations visuelles est profondément perturbant, d’autant plus que les visages déformés ne sont pas fixes mais en constante transformation, particulièrement lorsque les personnes bougent ou parlent. Le combat contre ce trouble visuel singulier continue à être un parcours semé d’embûches, ponctué par l’espoir que la recherche apportera des réponses et des outils pour mieux comprendre et peut-être un jour, remédier à la prosopométamorphopsie.