Le chemin vers le diagnostic d’un trouble bipolaire est souvent long et semé d’embûches. De nombreuses personnes passent des années, voire des décennies, à lutter contre ce trouble sans le savoir, souvent diagnostiquées à tort comme souffrant uniquement de dépression. Ce retard dans l’identification du trouble bipolaire peut avoir des conséquences profondes sur la vie des patients, affectant à la fois leur bien-être mental et physique.
Le cas Nicolas Demorand
Le journaliste Nicolas Demorand est l’un des exemples les plus médiatisés de cette lutte silencieuse. Dans son livre Intérieur nuit, il partage son parcours marqué par une décennie de diagnostics erronés. Pensant souffrir de dépression, c’est seulement après dix ans de traitements inefficaces qu’il obtient enfin un diagnostic de trouble bipolaire de type 2.
Cette révélation est loin d’être isolée. Selon les experts, une personne souffrant d’un trouble bipolaire met en moyenne huit ans avant d’être correctement diagnostiquée. Ce laps de temps est non seulement frustrant pour le patient, mais peut également exacerber les symptômes et compliquer le traitement.
Les signes qui ne trompent pas
Mais pourquoi ces diagnostics erronés ? Dans le trouble bipolaire de type 2, les symptômes peuvent facilement être confondus avec de la dépression simple. Des épisodes dépressifs fréquents et durables sont souvent le premier indice, mais ce sont surtout les réponses aux traitements qui peuvent indiquer un autre problème sous-jacent.
Chantal Henry, professeur de psychiatrie au GHU psychiatrie et neurosciences Paris Sainte-Anne, explique que des indices de bipolarité peuvent être repérés grâce à quelques éléments clés. Un début de symptômes à un jeune âge, des antécédents familiaux de bipolarité, et surtout des réponses atypiques aux antidépresseurs en sont quelques exemples.
- Réponses inappropriées aux médicaments : Chez certains patients, les antidépresseurs peuvent être soit inefficaces, soit trop efficaces en déclenchant des états de manie ou d’hypomanie.
- Symptômes apparents : Bien que difficiles à déceler, les épisodes d’hypomanie – moins intenses que la manie – peuvent se manifester par une énergie accrue ou des comportements jugés excessifs.
L’importance d’un diagnostic précoce
Un diagnostic précoce est crucial pour un traitement adapté. Les personnes qui ne sont pas diagnostiquées peuvent voir leur état s’aggraver en raison d’un traitement inapproprié. Un bon diagnostic permet non seulement de traiter les symptômes de manière adéquate, mais aussi de prévenir les cycles rapides de changements d’humeur associés au trouble bipolaire.
Le recours à des régulateurs d’humeur, tels que le lithium ou certains antiépileptiques, constitue souvent une approche thérapeutique plus adaptée que les antidépresseurs classiques, qui peuvent parfois faire plus de mal que de bien.
Rôle des médecins et des proches
Il est donc essentiel que les médecins, et souvent les proches, soient vigilants aux signes avant-coureurs. Une dépression persistante, une histoire familiale de troubles bipolaires, et un comportement inhabituellement confiant ou énergique sont autant d’indices qui peuvent aiguiller vers un diagnostic de bipolarité.
Les proches peuvent également observer des changements dans la personnalité, comme une désinhibition soudaine, des dépenses incontrôlées, ou une consommation excessive d’alcool et de drogues. Leur rôle peut être déterminant dans le processus de diagnostic.
Combattre la stigmatisation
Enfin, il est important de combattre la stigmatisation des maladies mentales, ce qui empêche souvent les individus de chercher de l’aide. Des témoignages comme celui de Nicolas Demorand peuvent encourager d’autres personnes à parler ouvertement de leur santé mentale et à consulter un professionnel.
En renforçant la sensibilisation et l’éducation autour du trouble bipolaire, il est possible de réduire le temps de diagnostic et d’améliorer la qualité de vie des personnes concernées. Un dialogue ouvert avec les professionnels de santé et entre proches constitue la première étape vers une prise en charge efficace.